DISCOURS INAUGURAL DU MINISTRE LORS DE LA JOURNÉE DE PARTAGE AVEC LES PTF ET LES PS
Conakry, le 09 février 2021
Monsieur le ministre d’Etat, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ;
Madame la Ministre de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi ;
Monsieur le Représentant Résident du PNUD en Guinée ;
Mesdames et Messieurs les partenaires techniques et financiers du secteur de l’éducation ;
Mesdames et Messieurs les partenaires sociaux ;
Mesdames et Messieurs les hauts cadres des ministères partenaires ;
Mesdames et Messieurs les hauts cadres du système éducatif ;
Mesdames, Messieurs ;
Je voudrais rendre grâce à Dieu et remercier le Président de la République, Pr. Alpha CONDE et le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Dr. Ibrahima Kassory FOFANA pour le renouvellement de la confiance placée en moi en me reconduisant au poste de ministre de l’éducation nationale et de l’alphabétisation.
Je voudrais aussi vous remercier tous d’avoir répondu présent ce matin à l’invitation du MENA en dépit de vos charges. La rencontre d’aujourd’hui est la première d’une longue série que notre ministère souhaite avoir avec vous.
Nous souhaitons que nous inscrivions dans nos agendas respectifs deux rencontres annuelles. Une fois en début d’année pour présenter les activités que nous allons mettre en œuvre et la seconde en fin d’exercice budgétaire pour faire un bilan de nos actions et tirer les leçons.
Nous souhaitons que ces rencontres soient des moments de partage de tous les plans d’actions à l’intérieur de tous les projets et programmes développés au sein du MENA pour éviter les chevauchements, améliorer la synergie et la complémentarité, susciter des accompagnements dans des activités à faible financement et faciliter l’alignement de l’aide au développement comme le prévoit la déclaration de Paris.
Nous souhaitons enfin que ces rencontres soient un moment de convivialité entre des acteurs stressés que nous sommes pour raffermir notre fraternité au bénéfice de l’école Guinéenne.
Mesdames, Messieurs ;
Je ne vais pas vous encombrer de chiffres sur des taux et des totaux que vous connaissez parfois mieux que moi. Je ne vais pas le faire d’autant plus que nous rentrons dans une phase de collecte de données intenses au MENA qui remettra en question plusieurs de nos certitudes.
Je peux néanmoins répéter ce que vous savez tous :
1) La Guinée n’arrive pas à scolariser toutes ses filles et tous ses fils car il y a des familles, pour des raisons que nous devons découvrir, qui ne scolarisent pas tous leurs enfants. Même si toutes les familles de Guinée le voulaient, ce ne serait pas possible car notre offre éducative est faible avec des écoles en nombre insuffisant, plusieurs de celles qui existent sont vétustes, dégradées, en hangars, et plus souvent qu’autrement, en cycle incomplet au primaire et avec très peu d’écoles pour le préscolaire ;
2) Lorsque nous construisons des écoles, on le fait souvent pour faire face à une demande sociale et communautaire et non à partir de la demande éducative qui résulte de la carte scolaire. Au final, on a des écoles avec très peu d’élèves dans certaines parties du pays pour justifier le salaire des enseignants mobilisés et des classes surchargées ailleurs car la demande est forte et l’offre en infrastructure faible ;
3) Pour contourner le déficit du corps enseignant et la faiblesse des effectifs dans certaines zones du pays, on a multiplié les classes multigrades et les enseignants dits communautaires à la charge des populations qui peinent à assumer ce fardeau récurrent. Pour contourner la faiblesse de l’offre en infrastructures scolaires, on a proposé des classes à double vacation. Toutes nos données l’attestent, nous n’avons pas un enseignant pour chaque classe construite au primaire et pas suffisamment d’enseignants au secondaire dans les disciplines de base comme le français, les mathématiques et l’anglais. De plus, les plus qualifiés parmi les enseignants (les APS, les PEN et les CPMF), ceux qui ont le plus d’expérience, sont sortis de la classe pour des postes administratifs et rien n’a été fait jusqu’à date pour renouveler ces corps. En même temps que les meilleurs ont quitté la classe, les plus en difficultés, tant du point de vue académique que professionnelle, sont restés dans les classes. Au lieu d’avoir des directeurs d’écoles qualifiés, en particulier les CPMF, pour assurer un renforcement de qualité de proximité, moins cher et plus efficace, on a confié cette mission à une structure de plus qui d’année en année s’étoffe en personnel au détriment de la classe ;
4) Le MENA est devenu la portée d’entrée pour accéder à la fonction publique. Dès après le recrutement, les uns deviennent malades, les autres ne supportent pas la craie, les autres aussi trouvent des suppléants à qui ils donnent une part de leur salaire et les autres enfin se font leur salaire mensuel et exercent une autre activité à Conakry et même à l’étranger ;
5) Lorsque nous arrivons à scolariser les enfants de Guinée, près de la moitié de ceux-ci ne survit pas pendant 10 ans au sein du système avec des redoublements et des abandons nombreux ;
6) Et tous ceux qui y survivent n’arrivent pas à acquérir les compétences essentielles attendues d’un système éducatif de qualité avec des examens dans les classes intermédiaires non normalisés et des examens nationaux coûteux, émaillés de fraudes à grande échelle autant pendant leur préparation que durant leur déroulement. Pour édifier les uns et les autres sur la problématique de l’évaluation des enseignements/apprentissages, je suggère que nous tous lisions le rapport d’évaluation financé par la GIZ sur les évaluations au CE2 et les deux autres rapports en cours de finalisation que sont l’évaluation réalisée au compte de la CONFEMEN en début et fin de cycle et l’analyse des copies d’examens de 2019-2020 réalisé par le service d’évaluation du MENA.
Mesdames, Messieurs ;
Le lycée actuel de la République de Guinée est celui légué par Madame Aicha BAH (ancienne Ministre du secteur) au terme de sa réforme menée entre 1989 et 1996. Ce lycée garde encore ses qualités d’alors et les défauts de l’époque et de la nôtre.
C’est un lycée sans conseillers à l’orientation. Ceux qui exercent cette mission importante de régulation et d’adéquation entre les ambitions individuelles et les qualités des élèves, s’ils existent, ne sont pas des professionnels formés à cet effet.
Alors que pour la plupart des pays voulant se doter d’un système performant, l’offre de formation au lycée est diversifiée, amarrée à l’enseignement supérieur et au monde de l’emploi avec des lycées professionnels, techniques et de formation générale, la Guinée ne compte jusque ce matin que trois filières dans son lycée général (sciences sociales, sciences expérimentales et sciences mathématiques) sans laboratoires pour asseoir un vécu, du doigté et de la préparation à l’activité.
Alors que l’offre du supérieur de la Guinée est calibrée à 65% pour recevoir des bacheliers des filières scientifiques, techniques et en mathématiques, 50% des lycéens Guinéens sont inscrits en sciences sociales d’où les contraintes en matière d’orientation après chaque baccalauréat avec des milliers de bacheliers dans les programmes dont-on a peu besoin et une absence notaire de bacheliers dans les programmes utiles pour le pays. Au final, on a des diplômés non employables et des offres d’emplois sans candidats.
Mesdames, Messieurs ;
L’alphabétisation a toujours été pensée pour son côté utilitaire, pour rendre fonctionnel ceux qui ont raté le train de la scolarisation à leur plus jeune âge (essentiellement les populations rurales et plus spécifiquement les femmes). Même dans ce cas, il y a très peu de réalisations en l’absence de financement et de l’Etat et des partenaires techniques et financiers. L’éducation informelle souffre sérieusement du désengagement de l’UNICEF des centres NAFA.
De nos jours, même lorsqu’on souhaite relancer l’alphabétisation en langues nationales, le chemin sera ardu car les manuels et les lexiques produits sous la première République sont éparpillés au 4 coins de Conakry, les linguistes formés à l’époque sont entre la retraite et la mort. Ceux des cadres disponibles sont préparés plus à passer des contrats pour « faire faire » et non « faire ».
Pourtant, l’alphabétisation dans nos langues nationales ne doit pas être réservée exclusivement à la fonctionnalité des analphabètes, elle doit être pensée comme la possibilité offerte à tous les Guinéens, et surtout aux élites, d’apprendre une langue autre que leur langue maternelle pour assurer la consolidation de l’unité nationale.
Mesdames, Messieurs ;
Les documents de structuration et d’organisation du travail du cabinet, des Inspections Régionales et des Directions Communales et Préfectorales de l’éducation réalisés avec le soutien financier et technique de l’USAID ont été abandonnés et en lieu et places on a vidé les enseignants des classes et on a rempli les bureaux de la base au sommet.
Mesdames, Messieurs ;
Les actions qui vont vous être présentées ce matin expriment, en partie, quelques-unes des solutions de remédiations que j’ai hérité de mon prédécesseur et de mon impulsion personnelle après 7 mois passés à la tête de ce stratégique ministère. Il s’agit de :
Qualifier la gestion et le pilotage du système éducatif :
1. À travers la digitalisation de l’ensemble des domaines de gestion (ressources humaines, matérielles et financières, infrastructures, équipements, données statistiques et examens, enseignement/apprentissages en ligne pour les enseignants en situation de classe et pour les élèves) ;
2. À travers la restructuration des services centraux et déconcentrés du Ministère en s’appuyant sur les travaux réalisés par le projet NFQE sur appui technique et financier de l’USAID et en les actualisant ;
Accélérer l’Accès équitable à l’Enseignement Général par :
1) L’élargissement de l’accès à tous en respectant l’équité et la justice sociale par la réalisation d’études fines pour comprendre les motivations des populations qui scolarisent peu ou pas du tout, par la rénovation des écoles les plus dégradées, le remplacement des écoles hangars sur l’ensemble du territoire national, l’extension des écoles à cycle incomplet partout où la demande scolaire l’impose et la construction de nouvelles écoles dans les zones à forte demande scolaire ;
2) Le recrutement sur la base de fiches de postes de nouveaux enseignants plus qualifiés et de nouveaux cadres dans les services d’appui et rattachés à partir de fiches de postes. Désormais, le MENA sera une porte d’entrée, mais sans porte de sortie avant la fin du contrat décennal qui liera le personnel avec l’Etat ;
3) L’élargissement de l’éducation de base jusqu’à la fin du premier cycle du secondaire (10 ans) par l’offre du préscolaire et des cantines comme instrument d’inscription, de maintien et de réussite.
Améliorer la Qualité des enseignements et des apprentissages par :
1) Le rehaussement du niveau académique et professionnel des cadres du Ministère à travers des formations diplômantes ;
2) La requalification académique et professionnelle des enseignants dans la langue d’enseignement qu’est le français pour les enseignants du primaire et du secondaire, du calcul pour ceux du primaire et en mathématiques pour ceux du secondaire, l’introduction de l’enseignement de l’anglais à tous les niveaux du système et le renforcement des capacités académiques et professionnelles de la chaîne pédagogique et administrative ;
3) La révision du cadre d’orientation curriculaire de l’école fondamentale et la diversification du lycée pour l’amarrer à l’enseignement supérieur et au marché de l’emploi ;
4) Le développement d’une offre mixte de formation en présentielle et à distance pour les enseignants et les apprenants.
Impulser une dynamique nouvelle pour l’Alphabétisation et l’Education des Adultes :
3. En renforçant les compétences linguistiques, pédagogiques et andragogiques des moniteurs, des éducateurs et des animateurs d’alphabétisation ;
4. En donnant un nouveau souffle à l’éducation formelle à travers la redynamisation des centres NAFA ;
5. En développant un mécanisme inédit pour l’apprentissage des langues nationales dans les écoles et les services publics afin d’aider à la consolidation de l’unité nationale.
Mesdames, Messieurs ;
La décentralisation du système éducatif pour rendre l’école et son contenu (enseignants et apprenants) aux collectivités est en route. Je m’engage à porter ce projet jusqu’à terme.
Mais on ne doit décentraliser que ce que l’on connait, qu’on supervise et que l’on contrôle. Le moins d’Etat central exige du mieux d’Etat. Plus vite sera la digitalisation, plus rapide sera le transfert de l’école aux collectivités en assurant par nos services techniques centraux et déconcentrés le contrôle qualité de façon certaine.
Le Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation s’engage dans la digitalisation pour mieux gérer les ressources humaines (enseignants, encadreurs), les infrastructures scolaires, les élèves et les intrants pédagogiques (livres, matériels didactiques, trousses scolaires, etc.).
Par la digitalisation, le MENA sera en mesure de coordonner le mouvement du personnel tant à l’intérieur des structures déconcentrées qu’entre le MENA et les autres ministères et assurer le contrôle de la présence physique des uns et des autres au poste de travail. La digitalisation est le moyen le plus économique et le mois aléatoire de contrôle du personnel à son poste de travail. C’est la réponse la plus pertinente aussi bien en ce qui concerne l’enseignement lui-même que la gestion du système et la bonne gouvernance.
La digitalisation servira aussi à affecter à chaque infrastructure scolaire un identifiant et ainsi faciliter le respect des critères de la carte scolaire et éviter ainsi le recyclage des projets de construction.
Les données sur les élèves du privé et du public vont permettre de générer un identifiant universel unique qui permettra d’assurer leur traçabilité et leur mouvement d’un établissement à un autre et d’un cycle à un autre.
Avec cet identifiant universel unique, nous facilitons la mobilité des élèves dans le pays et à l’étranger. Nous nous assurons de mettre fin à « l’homonymie » et de traquer les « sessions rapprochées ».
C’est par la digitalisation que le MENA veut organiser la planification et la gestion informatisée des examens nationaux en éliminant toutes les sources de fraude de la confection des listes jusqu’à la délivrance des diplômes.
C’est aussi par la digitalisation que le MENA veut se préparer à assurer, en toute circonstance, la continuité pédagogique par la mise en place d’une plate-forme de formation à distance (FAD) autant pour les élèves que pour les enseignants et un mécanisme automatisé d’évaluation des enseignements et des enseignants.
Mesdames et Messieurs les partenaires techniques et financiers du secteur de l’éducation ;
Je suis très satisfait de votre réceptivité pour ce projet phare de la digitalisation. Dans ce projet sur la digitalisation, il y a déjà des engagements financiers importants de la Banque Mondiale que je souhaite remercier.
Je suis aussi très satisfait de l’ouverture d’esprit et la proactivité du PNUD et l’UNICEF.
L’UNICEF s’est engagé et a pris en charge, dans des délais rapides, l’élaboration et la diffusion des TDR pour procéder au diagnostic de la situation des différentes bases de données au sein du MENA, les différentes initiatives dans les TIC en Guinée et la dimension juridique et institutionnelle liée à la digitalisation. Cambridge University a été retenu et le travail d’audit va démarrer incessamment.
Parallèlement à cette mission de diagnostic, les questionnaires qui servent à collecter les données des élèves du privé et du public, les enseignants du privé et du public et toutes les infrastructures scolaires sont élaborés, discutés au MENA et seront finalisés dans les prochains jours.
Les 400 tablettes qui doivent être utilisées pour collecter les données y compris les photos et la biométrie des élèves et des enseignants sont commandées et payées par le MENA. Les tablettes seront à Conakry vers la fin du mois de février et la collecte des données se fera au mois de Mars 2021.
Mesdames et Messieurs les partenaire techniques et financiers, il y a de la place pour tous dans la digitalisation. Car la digitalisation est un grand chantier technique et financier entre l’achat des logiciels, la création de la plate-forme, la production des contenus pédagogiques, l’achat de domaine, le paiement des hébergeurs professionnels, l’achat des tablettes pour les utilisateurs en situation de classe et de la chaîne administrative, de la formation du personnel utilisateur, de la supervision de ce processus.
Sur ce dossier, fédérons nos énergies, additionnons nos moyens et soyons comme Jacques Bauer dans la série 24 H Chrono : « on fait tout, tout de suite et on sort toujours victorieux ».
Mesdames et Messieurs ;
Le projet de digitalisation va changer la Guinée, son système éducatif entrera dans la quatrième révolution industrielle telle que souhaitée par le Président de la République, Pr. Alpha CONDE.
Dieu Merci, avec le discours programme du 30 janvier 2021 de Monsieur le Président de la République, nous savons que désormais la digitalisation n’est pas un projet isolé de notre ministère, c’est une orientation stratégique de Monsieur le Président.
La digitalisation, c’est la qualification de la gouvernance administrative, financière et pédagogique. C’est la fin de l’anarchie et le début d’une nouvelle ère. C’est le désenclavement le plus rapide et le moins coûteux de la Guinée en rapprochant les villages les plus reculés entre eux et entre eux et l’administration centrale et le savoir universel.
C’est la valorisation de la fibre optique qui est sous nos pieds et qui irrigue le territoire national. C’est l’assurance-qualité par excellence. Dans quelques années, au terme de la digitalisation, il y aura une Guinée d’avant et une Guinée d’après.
Mesdames et Messieurs ;
En déclarant ouverte la journée de partage des activités en cours et celles projetées au MENA, j’implore la bénédiction divine pour la Guinée et rêve d’une scolarisation pour toutes les filles et tous les fils de Guinée avec des enseignements de qualité.
Je vous remercie.
Dr Alpha Amadou Bano Barry
Ministre de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation
Transmis par la Cellule de Communication du Gouvernement
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