L’INTERVIEW : MOUSTAPHA NAITE, MINISTRE DE LA JEUNESSE
Conakry, le 6 Février 2018 – Pour ce mois, l’invité de votre magazine d’information gouvernementale n’est autre que le Ministre de la Jeunesse, Moustapha Naité. Programme INTEGRA, son plan pour l’accompagnement à l’insertion socioéconomique des jeunes, son bilan à la tête du département, etc; découvrez au cours de cet entretien son engagement pour une jeunesse qui croît en son avenir et prend de plus en plus son destin en main.
Bonjour Monsieur Moustapha Naïté. Vous êtes le ministre en charge de la Jeunesse depuis janvier 2014. A ce titre, quel bilan pouvons-nous faire de façon non exhaustive de l’année écoulée ?
Bonjour Monsieur, avant de répondre à votre question, je voudrais profiter de cette tribune que vous m’offrez en ce début d’année pour formuler mes souhaits à la jeunesse guinéenne. Je voudrais que cette année puisse contribuer davantage à l’enracinement des comportements citoyens, de la prise de responsabilité, d’initiatives au sein de la jeunesse de notre pays. Que la fatalité, le désespoir et les sentiments d’exclusion qui animent les jeunes puissent laisser place à l’espoir et la confiance dans les dirigeants et surtout dans l’avenir.
Je voudrais d’entrée rappeler la mission que le Président de la République, Chef de l’Etat, le Professeur Alpha Condé et le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Mamady Youla, ont bien voulu me confier. Conformément au décret 088 du 30 mars 2016 portant attributions et organisation du Ministère de la jeunesse, le département en charge des questions de jeunesse a pour mission de concevoir, d’élaborer et de mettre en œuvre la politique du Gouvernement dans les domaines de la jeunesse et de l’insertion socioéconomique et professionnelle des jeunes. Depuis le 30 Mars 2016, le nom du Département dont j’ai la charge est intitulé Ministère de la Jeunesse et non plus Ministère de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes comme c’était le cas entre 2014-2016. Cette nouvelle appellation a justement modifié ses prérogatives et renvoie la problématique globale de l’Emploi au Département qui en a d’ailleurs toujours eu la charge.
Le rôle essentiel du Ministère de la Jeunesse est de créer et de favoriser un environnement pour l’épanouissement socioéducatif de la jeunesse, d’encourager, de soutenir et d’accompagner l’insertion socioéconomique des jeunes. Il ne s’agit pas de faire de la sémantique ou de se dégager d’une quelconque responsabilité. Il s’agit de mettre le département au cœur de ses prérogatives. Le Ministère de la Jeunesse n’est pas le Ministère qui va créer de l’emploi à chaque jeune guinéen. Il n’est pas non plus celui qui va chercher de l’emploi pour chaque jeune guinéen. Il est encore moins celui qui va trouver de l’emploi pour chaque jeune guinéen. Je tenais à faire cette petite pédagogie pour éviter la confusion entretenue par tous.
Pour répondre à votre question, permettez-moi de commencer d’abord par les initiatives en faveur de la jeunesse lancées directement par le Président de la République qui, comme vous le savez, a dédié son mandat aux jeunes et aux femmes. Comme promis aux jeunes, le Chef de l’Etat a initié un vaste programme dénommé « initiatives présidentielles » qui met en œuvre plusieurs projets allant de l’incubation et de la formation à l’accompagnement dans la réalisation concrète de projets dans plusieurs secteurs.
Par exemple, dans le domaine de l’élevage, 25 jeunes ont été envoyés au Maroc pour suivre une formation sur les nouvelles techniques d’insémination. C’est un programme d’un an avec un retour en Guinée. Une fois de retour, 25 autres jeunes vont rejoindre la cohorte. Nous aurons 50 vétérinaires qualifiés en insémination pour la production industrielle de viande et de lait. Ces nouveaux entrepreneurs se verront doter d’une Moto et d’une rémunération allant jusqu’à 2.500.000 GNF par mois. Ils deviendront autonomes et ont l’obligation de prendre dans un premier temps des stagiaires à qui ils transmettront l’expertise et ensuite les embaucher. Dans le domaine de l’agriculture, le Chef de l’Etat est en train de créer une nouvelle génération de jeunes exploitants agricoles notamment dans la culture de l’anacarde. Ces jeunes auront une facilité pour l’accès au foncier, des semences améliorées et bénéficieront d’une mécanisation des exploitations agricoles. Dans le domaine de la pêche, il a instruit la création de Groupements d’Intérêt Economique (G.I.E.) de jeunes pécheurs qui deviendront propriétaires de barques modernes en fibres. Une centaine de ces engins sont déjà disponibles. Et pour pérenniser toutes ces initiatives, le Professeur Alpha Condé a décidé de mettre en place une banque exclusivement dédiée aux initiatives de jeunes entrepreneurs. Cette banque, dotée d’un crédit de 100 milliards de GNF, viendra appuyer le financement et l’accompagnement des projets entrepreneuriaux des jeunes de Guinée et de la diaspora.
Au niveau du Ministère même, je peux dire qu’en dépit des handicaps budgétaires si l’on prend en compte les défis auxquels notre jeunesse est confrontée et, conformément aux orientations de la feuille de route de Mr le Premier Ministre, nous avons, en partenariat et ou avec l’appui des partenaires de la Guinée, les agences des Nations Unies, initié et mis en œuvre plusieurs projets d’appui à l’insertion socioéducative et socioéconomique des jeunes durant l’année 2017. Je voudrais rappeler ici sans énumération exhaustive, des projets et actions majeurs exécutés durant l’année écoulée. Il faut dire que ces projets rentrent dans la poursuite de la prise en charge progressive des doléances issues de la Consultation Nationale de la Jeunesse notamment avec la création d’une Structure faitière de la jeunesse. Le processus de mise en place du Conseil National des Jeunes de Guinée (CNJ-Guinée) est à ce jour très avancé. En 2018, la Guinée sera dotée d’une structure faitière mise en place les jeunes eux-mêmes par voie électorale.
Dans le domaine de l’entreprenariat et de l’autonomisation des jeunes, le projet « DEMARRAGE » qui a été lancé en 2016 s’est poursuivi en 2017. Avec un cout global de plus de 6 milliards de nos francs, il favorise le financement de 25 entreprises de jeunes qui sont opérationnelles à ce jour. Les entreprises accompagnées pourront, si tout se passe bien, créer plus de 540 emplois sur trois ans. J’ai initié plusieurs fois des descentes sur sites pour un suivi-évaluation desdits projets. Les résultats sont encourageants en dépit des difficultés de gestions des bénéficiaires. Parallèlement à « DEMARRAGE », nous avons initié aussi le projet V.I.S.E. « VIVRE DE SON ENTREPRISE » qui accompagne 18 projets de jeunes entrepreneurs agricoles. Sur le terrain, le résultat est tout aussi encourageant. Avec le Fonds National d’Insertion des Jeunes, nous avons lancé les « Vendredis de l’entrepreneur » ; une activité d’accompagnement et de sensibilisation des jeunes entrepreneurs qui se tient chaque vendredi. Vous vous rappelez certainement du projet du Centre d’Apprentissage et d’Incubation des Métiers de la Confection connu sous le nom « 1 tailleur 1 machine ». Nous l’avons repensé et le centre ouvrira en ce début d’année avec une première cohorte de 300 pensionnaires.
Dans le domaine des Travaux à Haute Intensité de Main d’œuvre, l’Agence Guinéenne d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public pour l’Emploi (AGETIPE) a initié en 2016, un projet de pavage de 500.000 mètres carrés de chaussées et de voiries urbaines. A date, ce projet a enregistré les résultats suivants : 14.652 mètres carrés effectivement pavés sur trois axes dans la commune de Kaloum (quartiers de Teminetaye, Tombo et Sans-fil) et un axe dans la commune de Matoto. Les axes de Kaloum et Matoto ont fait l’objet de réception provisoire. Sur cette activité, 2600 jeunes ont été directement insérés temporairement. Les jeunes employés, rémunérés à hauteur de 35.000 à 50.000 FG par jour, ont acquis des compétences dans le domaine de la fabrication et de la pose de pavés. Avec les conseils et l’accompagnement du Ministère, il leur incombe de capitaliser ces expériences et de fructifier ces capitaux.
Dans le domaine de l’amélioration des compétences professionnelles des jeunes, le Gouvernement guinéen a initié, un projet dénommé « booster les compétences pour l’employabilité des jeunes » (BoCEJ) sous la coordination du Ministère de la Jeunesse et financé par une subvention de la Banque Mondiale. Après de longs mois de maturation et de préparation des acteurs de mise en œuvre, ce projet a connu une avancée significative en 2017. La première et la plus importante composante, le fonds compétitif, a retenu 17 sous projets dont six ont connu un financement d’un montant de 21.792.000.000 GNF. La première tranche de ce montant, à hauteur de 8.717.000.000 GNF, est à ce jour décaissée par les institutions d’enseignement professionnel et supérieur. Au titre de la composante 2, animée par l’AGUIPE et le FONIJ, 30.000 jeunes sont aujourd’hui inscrits à l’AGUIPE, 2600 étant admis à être déployés en stage ou en formation. Dans le cadre du même projet, volet l’entrepreneuriat, 100 jeunes sont recrutés et seront formés et encadrés sur une période de 3 mois.
En 2017, nous avons poursuivi les travaux de construction et d’équipement des maisons de jeunes. Même si le projet global est fortement handicapé par la faiblesse de ressources disponibles, 8 des 14 maisons des jeunes prévues à Conakry par le plan prioritaire du Ministère, sont aujourd’hui achevées, équipées et fonctionnelles. Le Projet du Palais de la Jeunesse et de la Culture est en bonne voie de mise en œuvre. Les études de faisabilité et les études architecturales sont terminées et durant toute l’année 2017, nous avons travaillé sur le financement. Le projet a fait l’objet d’examen et a été retenu parmi les projets prioritaires du Gouvernement pour financement.
Dans le domaine de la participation des jeunes au développement à la base, nous avons développé un Programme d’Accompagnement de l’Inclusion Sociale des Adolescents et Jeunes dénommé « Jeunes en Action ». Il a été exécuté avec l’appui de l’UNICEF et a permis de créer un creuset de regroupement de plusieurs initiatives socioéducatives. Avec l’appui du PNUD, nous avons formé et déployé 50 jeunes dans 50 sous-préfectures et 11 préfectures du pays pour une période de 20 mois. Cette cohorte de jeunes volontaires appuie, jusqu’au 31 décembre 2018, les collectivités locales dans de nombreux secteurs d’activités : éducation, santé, animation socioéducative, agriculture. Dans le même cadre, il faut noter l’achèvement de la première phase du projet de formation d’animateurs socioéducatifs et de renforcement du cadre règlementaire du secteur de l’animation. Pour clôturer le projet, mon département a organisé ici à Conakry en mai 2017, un forum international sur l’animation socio-éducative qui a réuni 200 participants venus du secteur de l’éducation non formelle et de l’animation socio-éducative de la Guinée, (élus des collectivités locales, partenaires techniques et financiers, représentants des départements ministériels invités…) du Sénégal, du Maroc, de la France et du Cameroun. Un livret de l’animateur socioéducatif produit en 1300 exemplaires par le projet a été distribué aux animateurs et aux participants. L’objectif général du forum était de réunir les acteurs de l’éducation de différents pays pour réfléchir sur l’éducation non formelle et les activités socioéducatives en vue de partager des expériences et des perspectives pour faire de l’animation socioéducative un important levier dans l’éducation et la formation des enfants, des jeunes et plus généralement des citoyens.
Par ailleurs, dans le cadre de la Présidence Guinéenne de l’Union Africaine, notre pays a porté le thème de l’année 2017 « tirer pleinement profit du dividende démographique en investissant sur les jeunes » en prenant activement part aux différentes activités prévues dans la feuille de route de l’Union Africaine. A ce titre, le Département en charge de la Jeunesse a été fortement présent au centre des activités. L’une des actions prioritaires a été l’organisation d’un atelier de validation du Profil Pays de la Guinée. Cet atelier s’est tenu du 20 au 24 mars 2017 et a regroupé une quarantaine de cadres représentants des départements ministériels, de la société civile, des réseaux de parlementaires, de journalistes, de femmes ministres et parlementaires et de jeunes leaders du système des Nations Unies ainsi que des universités publiques et privées et le Patronat. Il a été recommandé à cet atelier, la mise en place d’un Observatoire National du Dividende Démographique. Suite à cet atelier, il a été organisé, le 20 avril 2017, une cérémonie de remise officielle du rapport Profil Pays par le Représentant de l’UNFPA à Mr le Président de la République, Chef de l’Etat. La cérémonie a été également l’occasion du lancement officiel de la Feuille de Route par Mr le Président de la République, Président en exercice de l’Union Africaine. Au plan sectoriel, des actions ont été menées par rapport aux quatre piliers de la Feuille de Route. C’est ainsi que dans le domaine de l’emploi et de l’entreprenariat, le Gouvernement guinéen a mis en place, outre un Fonds de Micro Crédit sur initiative présidentielle, une mutuelle communautaire dénommée MC2 qui s’adresse aux jeunes et aux femmes. Le programme de promotion de volontariat a connu une amplification par l’initiation de la formation et du déploiement de 50 volontaires nationaux. Le programme de santé sexuelle et reproductive des jeunes et des adolescents est a connu un regain dans les quatre régions naturelles du pays. Il a été organisé également un ensemble d’activités visant à sensibiliser les populations guinéennes, les institutions, les médias etc. à approfondir leur compréhension du dividende démographique et favoriser l’implication des jeunes dans la mise en œuvre de la feuille de route. Nous devons, par la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes, faire une large diffusion et un suivi régulier des paramètres qui sous-tendent le Dividende Démographique en Guinée. Plusieurs autres activités plus ou moins structurantes ont été menées tout au long de cette année 2017.
Après la première phase du projet démarrage qui a été un succès avec l’accompagnement de 25 entreprises de jeunes, envisagez-vous de poursuivre l’aventure pour une deuxième phase ? Et comment allez-vous vous y prendre de nouveau ?
J’ai fait tantôt un petit point sur le projet « DEMARRAGE ». Le projet est en phase de croisière. Nous allons attendre que les diverses entreprises arrivent à maturité et en phase de croissance afin de bien analyser les erreurs et les défaillances. Cela nous permettra de les prendre de compte pour les prochaines fois. J’ai été sur le terrain. J’ai vu les jeunes entrepreneurs à la tâche mais il y a encore des difficultés notamment dans le remboursement des fonds mis à disposition. Rien d’alarmant. Cela rentre dans la vie d’une entreprise qui démarre ou qui veut se consolider. Nous suivons de près chaque cas afin que tout se passe bien. Si tout se passe bien, nous pourrions entamer une deuxième saison. N’oublions pas qu’il s’agit, même si le taux est hors norme, de crédit révolving. Et attendre avant de lancer la deuxième phase, c’est aussi mettre les premiers bénéficiaires face à leurs responsabilités vis-à-vis de leurs concitoyens qui attendent une deuxième phase du projet et vis-à-vis aussi de l’Etat. L’idéal serait que les remboursements puissent venir nourrir la suite du projet. Ensuite, nous aurions la légitimité et la décence de demander un autre fonds de garantie auprès de l’Etat. C’est aussi cela notre rôle. Donc pour résumer, oui, il y aura d’autres phases de « DEMARRAGE » et d’autres bénéficiaires. Mais, nous devons faire les choses en toute responsabilité tant au niveau des premiers bénéficiaires qu’au niveau du Ministère de la Jeunesse.
Le rapport sur l’état de la population lancé en octobre 2016, par le Chef de l’Etat recommande d’investir dans la jeunesse pour lutter contre la pauvreté. Où en êtes-vous dans le cadre de la mise en œuvre de cette recommandation majeure pour la jeunesse guinéenne ?
Au-delà de ce rapport UNFPA, c’est un engagement des Chefs d’Etat et de Gouvernement de notre Continent. Réunis lors de la 28ème Session Ordinaire, en Janvier 2017 à Addis-Abeba, ils ont adopté comme thème annuel 2017 : « Tirer pleinement profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse. » C’est une reconnaissance majeure de ce que l’importante et imposante population de jeunes n’est pas en soi un facteur suffisant pour opérer la transformation structurelle de nos économies et conduire nos pays vers le développement humain durable. L’exigence est double : accélérer la transition démographique en réduisant le taux de natalité et préparer la jeunesse à faire face efficacement aux enjeux de leur époque. Il s’agit de parvenir à planifier et à effectuer les investissements nécessaires dans les jeunes pendant la transition démographique. Ce faisant, nous pourrons créer un cercle vertueux consistant à améliorer l’éducation, le capital humain et la productivité économique de nos pays. C’est par exemple, la voie qu’ont choisi les pays dits « Tigres Asiatiques » et aussi de nombreux pays Latino-Américains pour sortir de la pauvreté. La Corée du Sud, le Taïwan, Hong Kong, Singapour affichaient, avant leur boom économique, le même profil et les mêmes statuts démographiques que ceux affichés par la plupart des pays africains aujourd’hui.
Donc il ne s’agit pas d’énumérer des actions ou activités ponctuelles réalisées quelques mois après l’annonce de cette recommandation pour dresser un bilan concret.
Tel que recommandé par les différents documents conceptuels, il s’agira pour la Guinée et pour les autres pays d’œuvrer davantage et concrètement durant toutes les années à venir, sur quatre piliers forts. Il s’agit de l’emploi et de l’entreprenariat ; de l’éducation et du développement des compétences ; de la santé et du bien-être ; des droits, de la gouvernance et de la responsabilisation de la jeunesse. Vous constatez donc qu’il faut une transversalité complète pour aboutir à la concrétisation de cette recommandation. Ce n’est pas une question du seul Ministère de la Jeunesse. Des engagements fermes devront être pris par nous dirigeants pour mettre en place des politiques nationales en totale cohérence avec ces piliers.
D’un point de vue institutionnel par rapport à la recommandation, nous avons validé le Profil Pays de la Guinée. Le document servira de cadre de référence national avec des évidences dans la capture du dividende démographique en République de Guinée. Nous organisons des ateliers de Haut Niveau sur le dividende démographique sur ce qu’est le dividende démographique et ses avantages dans la planification du développement durable ; la mise en œuvre de certaines politiques sectorielles (Santé, Education) avec les réalisations en rapport avec les objectifs de la déclaration nationale de politique démographique etc… Ces ateliers vont se poursuivre. Nous allons faire participer les Députés, les Institutions de la République (Conseil Economique et Social notamment…), les Partenaires au développement dont le système des Nations Unies et les missions diplomatiques et consulaires ; les Cadres Techniques sectoriels et les ONG Internationales ; les Experts démographes, les opérateurs économiques, les chercheurs, statisticiens, économistes, professeurs des Universités publiques et privées.
Investir dans la jeunesse ne dépend que de nous. En faire une priorité absolue, c’est poser les bases d’un développement résilient ; c’est emprunter le chemin de la prospérité pour les générations à venir ; c’est se préparer à être au rendez-vous de l’histoire. En Guinée, les enjeux sont grands. Les défis immenses. Au Ministère de la Jeunesse, nous nous battons pour créer un environnement propice à l’accompagnement des jeunes vers la réalisation de leurs attentes. Plusieurs projets sont implémentés. Mais cela ne peut pas se faire avec une baguette magique. Ça prend du temps avec les préalables qui sont en train d’être mis en œuvre.
En novembre, des journalistes de la chaîne de télévision CNN ont filmé une vente d’êtres humains, un état de fait évidemment inacceptable. En votre qualité de ministre de la Jeunesse, qu’est-ce qui est fait en Guinée pour limiter de manière optimale les départs des jeunes ?
Le drame des migrants s’est accentué cette année 2017. Notre pays est cité en exemple lorsque l’on parle de migration clandestine. Selon les données de l’Organisation Internationales des Migrations (OIM), il y avait jusqu’à la fin 2017, 4487 migrants guinéens identifiés en milieu urbain en Libye dont 1676 sont bloqués dans 8 centres de détention différents. Ce chiffre ne prend en compte que la Libye. D’autres sont éparpillés un peu partout dans les zones de transit. D’autres encore ne sont pas identifiables ou ne sont pas enregistrés et comptabilisés. Avec l’Organisation Internationale des Migrations (OIM), nous avons pu ramener des milliers et nous travaillons à leur insertion avec les autres ministères sectoriels comme celui des affaires étrangères et de l’administration du territoire. Cette situation dramatique de nos jeunes résume à elle seule toute la responsabilité qui nous incombe, nous gouvernants. Derrière chacun de ces chiffres se cachent des vies humaines, des enfants de la Guinée. C’est à nous que le peuple a confié sa volonté, son pouvoir et sa destinée. Nous ne l’oublions pas et cela nous guide dans les choix que nous faisons partout ailleurs où l’Etat agît.
L’ignominie perpétrée en Libye a été condamnée par tous. On ne va pas continuer à blâmer ou à dénoncer les jeunes qui veulent chercher un mieux vivre ailleurs. C’est parce qu’il n’y a pas suffisamment d’opportunités créées dans nos pays que ces jeunes s’en vont. Il y a la part de responsabilité de nos Etats qu’il faut assumer avec honnêteté, gravité et responsabilité. Avec le poids démographique que nous constatons, il faut pouvoir créer les meilleures conditions pour avoir un climat d’affaires propices qui permettrait que le secteur privé qui est le vrai pourvoyeur d’emplois puisse insérer les jeunes. Nous nous devons de trouver des réponses concrètes à mettre en œuvre pour réduire le flux migratoire.
Nos jeunes doivent davantage s’intéresser aux opportunités qui leur sont offertes dans notre pays. Je suis conscient qu’elles sont minces mais elles existent. Chaque jour, dans mon bureau, je reçois des jeunes qui œuvrent, qui osent dans plusieurs domaines, l’agriculture par exemple. Je suis fier de ces jeunes-là. Nous les accompagnons. Nous avons le Fonds National d’Insertion des Jeunes (FONIJ) qui accompagne plusieurs jeunes qui veulent réaliser leurs projets. Mais, beaucoup de jeunes ne croient plus dans leur pays, dans les opportunités fussent-elles maigres que leur offrent le pays et l’Etat. Il y a comme une fatalité totale, un désespoir. On attend que l’Etat trouve un poste de travail ou un emploi à chacun des jeunes. C’est utopique ! Celui qui propose cette solution est un démagogue. A chaque occasion d’échanges avec les jeunes, je le répète. L’Etat doit créer les conditions et l’environnement adéquats pour qu’ils puissent tirer leurs épingles du jeu.
Par ailleurs, ce phénomène de migrations irrégulières de jeunes guinéens est devenu une thématique importante de collaboration et de dialogue de haut niveau entre les pays de l’Union Européenne et le Gouvernement de la Guinée. Suite à une mission politique de l’Union européenne en avril 2017, un document partagé portant sur la coopération en matière de migration irrégulière a été adopté. L’un des axes principaux des interventions identifiées est la création d’opportunités génératrices de revenus, qui s’aligne sur la stratégie sectorielle du gouvernement énoncée dans le Programme National d’Insertion Socio-Economique des Jeunes (PNISEJ). Le 13 Décembre 2017, le Fonds Fiduciaire d’Urgence mis en place par l’Union Européenne a été validé pour un montant de 65 Millions d’euro en faveur de la Guinée avec la mise en œuvre d’un Programme d’Appui à l’Intégration Socio-Economique des Jeunes (INTEGRA). Ce programme contribuera à la prévention et à la limitation de la migration irrégulière en soutenant le développement économique des contrées à fort taux de migration pour favoriser l’insertion socio-professionnelle des jeunes guinéens et la réintégration des migrants de retour. Essentiellement, il permettra de promouvoir des opportunités économiques et des emplois durables à destination des jeunes ; d’améliorer l’employabilité des jeunes grâce à la formation professionnelle ou de courte durée ; de soutenir le développement et le financement des entreprises et coopératives avec un potentiel entrepreneurial durable. Il sera exécuté dans les régions de la Basse Guinée (Conakry, Kindia, Forécariah et Boké), de la Moyenne Guinée (Mamou, Dalaba, Pita, Labé), de la Haute Guinée (Kankan, Siguiri, Mandiana) et de la Guinée Forestière (Kissidougou et Nzérékoré). Les bénéficiaires directs de ce programme sont les Jeunes sans emploi ou en situation de sous-emploi ou sans formation professionnelle résidant en milieu rural et urbain, les Jeunes et élèves en fin de scolarité ou en rupture de scolarité, les migrants potentiels ou en situation de vulnérabilité, les jeunes entrepreneurs et opérateurs intermédiaires et financiers opérant déjà dans les filières ciblées ; les migrants de retour et les jeunes de la diaspora de retour en Guinée. Ce programme sera mis en œuvre en gestion directe par l’Union Européenne via l’Agence Belge de Développement ou Coopération Technique Belge (CTB), la Coopération Technique Allemande (GIZ) et le Centre du Commerce International (CCI) en étroite collaboration avec une Coordination Nationale et les Ministères sectoriels concernés. La mise en œuvre se fera sur une période de 4 ans. Un démarrage rapide des activités est prévu pour le début de l’année.
Je pense pour ma part qu’il y a lieu de pousser un peu plus loin, la réflexion sur cette problématique. Singulièrement, sur la question des migrations, je pense que nous ne pouvons réprimer l’envie des jeunes d’aller à la découverte du monde. Le voyage, la quête d’ailleurs et de l’autre, sont consubstantiels à l’être humain et à la jeunesse en particulier. Mais, ce serait l’échec de la jeune génération de dirigeants africains, plus que celui de nos pères, si cette quête de la jeunesse de notre continent ne reste orientée que vers l’occident, et pire, si elle devient celle de la survie, une fin en soi, la seule voie de l’espérance. Notre obligation, c’est de donner le choix à la jeunesse africaine, le choix de voyager ou de rester et si elle devait voyager, d’opérer d’abord le choix de voyager qualitativement sur notre continent. Convaincre le jeune africain de rester sur son continent, c’est lui garantir, dans chacun des pays africains, les conditions de son épanouissement et de son intégration économique, sociale, politique et culturelle. Cela passe par une éducation de base solide, des opportunités d’emplois et d’entreprenariat viables, un climat social et politique apaisé et un environnement des affaires attractif. C’est par exemple l’obligation pour l’Union Africaine de rendre enfin opérationnel le Fonds Africain de la Jeunesse pour déchaîner le potentiel créatif des jeunes du Continent. La valorisation de notre potentiel est une réponse à la désespérance qui s’empare des plus jeunes. L’un des préalables forts, c’est par exemple de favoriser la mobilité intra-africaine pour la jeunesse du Continent. C’est le défi de notre génération. La mobilité intra-africaine de la jeunesse doit être la cause et le moyen de l’intégration régionale et continentale, mais aussi la cause et le moyen de lutte contre l’immigration clandestine.
Pour en revenir à la Guinée, à l’évidence, les attentes de la jeunesse guinéenne sont les mêmes que celles de la jeunesse africaine. Les jeunes veulent plus d’opportunités pour pouvoir s’autonomiser, pour produire, pour créer, pour prendre part au développement de leurs pays respectifs. Je le dis souvent. La première condition pour que les attentes soient réalisées, c’est la formation. Qu’elle soit diplômante, qualifiante, professionnelle, certifiante ou tout simplement pour permettre au jeune d’avoir des bases ne serait-ce que pour maitriser un savoir-faire. Il faut donc que nos jeunes soient mieux formés, qualifiés et compétitifs sur le marché de l’emploi, de l’entreprenariat et de la vie socioéconomique tout court. Même un cordonnier qui n’est pas formé ou bien formé ne peut être compétitif.
En 2016, vous avez élaboré le très ambitieux Programme national d’insertion socioéconomique des jeunes (PNISEJ). Comment comptez-vous mobiliser les ressources nécessaires à ce programme ? Et quelles sont les étapes de sa mise en œuvre ?
Le Programme National d’Insertion Socio-économique des Jeunes (PNISEJ) élaboré avec 13 autres ministères sectoriels, s’appuie sur la dynamique lancée en 2015 pour préparer la phase de relance post Ebola durant laquelle près de 700 millions de dollars US ont été promis à la Guinée sur un total de 3,5 milliards de dollars US au plan sous régional. C’est ainsi qu’avec les instructions du Chef de l’Etat, le Professeur Alpha Condé et l’appui du PNUD, un programme a pris forme. L’insertion socioéconomique des jeunes doit être comprise comme un axe majeur du développement du pays et, à ce titre, prise en compte dans tous les projets et programmes de développement. Cela suppose la mise en place d’une synergie entre la diversité des acteurs sur une question qui est, par essence, transversale. Réduire la problématique de la jeunesse au seul ministère en charge serait une faute à la fois politique humaine et surtout de vision de développement socioéconomique d’une Nation, de notre pays. C’est à cela que devra répondre le PNISEJ. C’est un cadre opérationnel transversal de politique de jeunesse qui comprend 4 grandes composantes. La première composante est l’emploi des jeunes dans les politiques macro-sectorielles et les investissements privés. L’emploi des jeunes est intégré comme indicateur d’évaluation des politiques macro-sectorielles par la création d’un environnement juridique favorable à la création d’emploi tout en renforçant les mécanismes incitant à la création d’entreprise et à augmenter les taux d’investissement publics et privés en Guinée notamment. La seconde porte sur l’employabilité et la promotion à l’insertion socioprofessionnelle. Le problème de l’emploi est abordé par cette composante sous divers angles dont la qualité des formations professionnelles, l’adéquation des formations avec le marché du travail, l’orientation et la réorientation des jeunes vers des secteurs porteurs, la création d’emplois temporaires, la facilitation pour la création d’entreprise, l’accès au monde de l’entreprise à travers des stages et support au secteurs créateurs d’emplois (notamment l’agriculture) afin d’augmenter l’offre de travail en Guinée. La troisième composante concerne l’éducation, la participation des jeunes à la vie publique, la citoyenneté et la prévention des conflits. Ce qui différencie le PNISEJ des différents programmes classiques mis en œuvre dans beaucoup de pays est l’aspect innovant du dispositif qui vise à renforcer l’implication de la jeunesse guinéenne au cœur du développement du pays en mettant en place des dispositifs de participation à la vie politique et sociale de la Guinée et en renforçant les échanges entres les jeunes Guinéens vivant au pays et ceux de la diaspora. La quatrième et dernière composante porte sur la gouvernance, l’amélioration du dispositif de suivi-évaluation et le renforcement du système d’informations. Il s’agira de procéder au renforcement des services déconcentrés des ministères et des Bureaux de Stratégie et Développement (BSD). C’est un facteur clef de succès du programme.
Nous avons, dès la validation et la présentation du Programme aux Partenaires Techniques et Financiers ici à Conakry, commencé un plaidoyer à l’international. Sous la coordination du Président de la République, nous avons présenté le programme dans des side events des deux dernières sessions 2016 et 2017 des Assemblées Générales des Nations Unies. Nous avons échangé avec l’Union Européenne à plusieurs reprises tant à Conakry qu’à Bruxelles notamment lors des Journées Européennes de Développement en Juin 2017. Les plaidoyers ont commencé par prospérer avec les 65 millions d’euro affectés à INTEGRA qui constituent environ 57% du coût global du PNISEJ. Je voudrais rappeler que le Fonds Fiduciaire d’Urgence et son Programme d’Appui à l’Intégration Socio-Economique des Jeunes (INTEGRA) font entièrement corps au Programme National d’Insertion Socio-Economique des Jeunes. La Guinée est quasiment le seul pays qui avait déjà un programme opérationnel qui était en phase avec les objectifs du Fonds Fiduciaire d’Urgence Européen, support financier du programme INTEGRA.
Chaque année, nous enregistrons plus de 250.000 jeunes qui se retrouvent sur le marché du travail. Sans compter tous les jeunes guinéens non qualifiés ! C’est pour vous dire l’ampleur du défi. Et donc, la nécessité pour nous de trouver les moyens d’offrir toutes les opportunités à nos jeunes. Je continue de croire que nous avons fait un grand pas dans la vision et dans les actes à poser en élaborant le PNISEJ. L’exécution de ce programme conçu avec une vision à moyen et long terme, réalisée sous ma mission ou celle d’un autre ministre de la Jeunesse sera la lueur d’espoir pour cette jeunesse qui a du mal à croire encore dans les politiques que nous sommes.
Vous envisagez cette année la création d’une Structure faîtière de la jeunesse avec le lancement du processus de mise en place du Conseil National de la Jeunesse dont les documents de base sont disponibles. Peut-on avoir une idée sur la mise en place du CNJ en Guinée? Et quelle sera la principale mission de ce conseil national de la jeunesse ?
L’une des solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les jeunes, passe nécessairement par la création d’un cadre institutionnel et organisationnel. Vous n’êtes pas sans savoir que depuis plus d’une décennie, les associations et réseaux d’associations de jeunes et de jeunesse qui se créent et se développent, se livrent à un combat de leadership, alors qu’en réalité aucun d’entre eux ne peut prétendre légitimement, représenter la majorité encore moins faire l’unanimité des jeunes. Notre Politique Nationale de Jeunesse prend en compte cette réalité et envisage de combler le déficit en s’inscrivant dans la dynamique des recommandations de la Charte Africaine de la Jeunesse, ratifiée par notre pays depuis 17 Juin 2011, et de la Conférence des Ministres de la Jeunesse et des Sports de l’espace francophone « CONFEJES », qui insistent sur l’obligation pour les pays membres de se doter d’une structure faitière nationale pour les jeunes.
Aussi, faut-il rappeler qu’à l’issue de la Consultation Nationale des Jeunes de Guinée de 2015, la mise en place d’une structure faitière nationale pour les jeunes figurait parmi les besoins et préoccupations mentionnés dans les cahiers de doléances remis au Chef de l’Etat. En tant que réponse des pouvoirs publics, la mise en place du Conseil National de la Jeunesse de la Guinée consacrera la représentativité légitime des jeunes guinéens. Notre pays reste l’un des rares en Afrique à ne pas en disposer. C’est pourquoi, le Ministère de la Jeunesse, conformément à ses attributions et au contenu de la lettre de mission de Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, s’est engagé courant l’année 2017, dans le processus qui vise à doter les jeunes de Guinée d’une structure fédératrice de leurs initiatives.
Le Conseil National des Jeunes de Guinée permettra une meilleure et légitime représentation des jeunes guinéens, une coordination efficace de leurs activités et leur participation au processus de prise de décisions les concernant. Le Conseil National de la Jeunesse est le seul et unique interlocuteur officiel de l’Etat en ce qui concerne la représentativité de la jeunesse. Sa mise en place mettra fin à l’imbroglio actuel au sein de la jeunesse guinéenne où des leaders s’autoproclament et agissent comme tel en toute confusion et en toute illégitimité. Elle offre aux jeunes un cadre d’échanges, de concertation et d’actions en vue de leur participation responsable au développement du pays. La mission et le rôle d’un Conseil National de la Jeunesse sont encadrés par la Charte Africaine de la Jeunesse qui prend en compte les inquiétudes des Etats et Gouvernements quant à une récupération et une instrumentalisation de cet important organe représentatif. En tant qu’organe de participation, elle servira d’interlocuteur entre le gouvernement, représenté par le Département en charge de la Jeunesse et les organisations de jeunesse. Le Conseil National de la Jeunesse n’est pas un outil politique, un organe d’opposition au Gouvernement. Il n’est pas un organe de substitution du Ministère de la Jeunesse. Il n’est pas enfin un instrument de revendications politiques. A ce titre, le Conseil National des Jeunes de Guinée aura un rôle consultatif auprès du Département et donnera son avis sur toutes les questions dont il sera saisi. Enfin, il représentera la jeunesse guinéenne dans son ensemble auprès de toutes les organisations et institutions internationales de jeunesse.
A ce jour, le processus de mise en place du Conseil National des Jeunes de Guinée est très avancé. Il s’articule autour de deux grandes phases à savoir une phase préparatoire et une phase d’exécution. Je voudrais prendre le temps de le détailler afin que les jeunes et les médias puissent comprendre le processus comme il le faut. Les nombreuses polémiques autour de ce sujet pourraient être enfin dissipées. La phase préparatoire a permis la rédaction des avant-projets des textes juridiques (Statuts, règlement intérieur et critères d’élection), la tenue des ateliers préfectoraux et/ou communaux d’explication et amendements des textes juridiques proposés et l’organisation d’un atelier national de validation des textes amendés lors des ateliers préfectoraux/communaux. A l’issue de cet atelier national, les Statuts, le Règlement Intérieur et les Règles Electorales ont été validés par les jeunes eux-mêmes et constituent l’arsenal juridique de la future structure. Nous avions également organisé une large campagne médiatique nationale d’information et d’explication des textes juridiques ainsi que les modalités du processus de mise en place des structures du CNJG.
Au vu du contexte un peu flou autour de la représentation des associations de jeunes, nous avons effectué avant même le lancement du processus, une sensibilisation pour l’enregistrement des associations et organisation de jeunes. Ceci a permis aux associations ou regroupements non encore agréés de se mettre à jour. Ce faisant, nous avions anticipé sur les contestations ou les procès d’exclusion.
La seconde phase du processus dite phase d’exécution est l’organisation des élections des bureaux des différents démembrements du CNJG de la base au sommet et le renforcement des capacités techniques et institutionnelles des membres et des structures du CNJG. Mais avant cette phase d’exécution proprement dite, nous avons lancé des missions d’information, de formation et de sensibilisation dans toutes les préfectures de Guinée pour les Comités chargés d’organiser les élections. Les comités pour la ville de Conakry le seront bientôt et, après la validation des listes d’associations appelées à être membres du CNJ, les élections seront organisées en toute transparence en cette année 2018. Nous devons forcément attendre la fin du processus des élections communales et locales en cours.
Ce processus nécessite une maitrise en amont et en aval de tous les outils. Nous ne voulons rien faire dans la précipitation. Le processus appartient aux jeunes de Guinée. C’est eux qui éliront leurs représentants à divers niveaux. Le CNJ est mis en place par les jeunes et pour les jeunes. Le rôle du Ministère est clair : appui et accompagnement à la mise en oeuvre, coordination des phases et renforcement de capacité.
On le sait le Gouvernement à travers votre département porte depuis toujours un plus grand intérêt à la situation de la jeunesse. Quel est l’état d’avancement de la mise en œuvre de la politique nationale de la jeunesse ?
Avec une population estimée à 12,500 millions d’habitants constituée de près de 61,6 % de jeunes ayant moins de 25 ans et 77,3% ayant moins de 35 ans, la Guinée a toujours placée la jeunesse dans les instruments nationaux de planification. Il y a peu, c’était le Document de Stratégie de Réduction de la pauvreté (DSRP III pour 2013- 2015) décliné en Programme d’Actions Prioritaires relié aux cadres sectoriels et multisectoriels de planification et de programmation. Au niveau même du Département, nous avions le Plan Stratégique de Développement de la Jeunesse et des Sports qui traduit les orientations du DSRP en instrument de planification opérationnelle. Le DSRP, déjà, annonçait une transition démographique qui mettrait les jeunes au centre des défis et enjeux. Dans le cadre du DSRP III pour la période 2013- 2015, le gouvernement s’était engagé à mobiliser les ressources pour mettre en œuvre le Plan stratégique de développement de la jeunesse et des sports ainsi que le Programme national d’appui à l’emploi des jeunes pour relever les défis de la promotion de la jeunesse. Il faut rappeler que la question des jeunes a été bien inscrite dans les priorités du gouvernement depuis l’avènement du Président de la République en 2010 qui a officiellement consacré son mandat à la jeunesse et aux femmes. Plus récemment, le Gouvernement vient d’adopter le Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) 2016 -2020. Ce Plan tient compte entre autres des principaux agendas régionaux et internationaux, l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030 et le Programme National d’Insertion Socioéconomique des Jeunes (PNISEJ) est entièrement intégré au PNDES. Et comme je l’ai dit plus haut, le PNISEJ est un cadre opérationnel de la Politique Nationale de Jeunesse.
Pour ma part, en tant qu’homme politique et Ministre en charge de la jeunesse, je voudrais partager mes réflexions sur le sujet car les défis sont nombreux et tout reste priorité et urgence. Il faut reconnaître que les politiques de jeunesse que cela soit en Guinée ou ailleurs en Afrique portent en elles-mêmes, les gènes de leur non-efficacité. Nous ne mettons suffisamment pas en jeu, dans les stratégies des politiques nationales, la transversalité des problématiques de jeunesse et les dynamiques d’ensemble des politiques sectorielles qui doivent répondre aux besoins des jeunes. L’isolement des questions de la jeunesse de celles de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emploi, de l’inclusion sociale, de la santé, de l’aménagement du territoire… vide les politiques de jeunesse de leurs substances et les confine aux grandes théories autour de l’insertion socioéconomique. Il faut de la coordination de toutes les problématiques et de la formulation de toutes les solutions relatives au défi de l’avenir de la génération montante. En l’absence de mesures cohérentes et synergiques, les recommandations énumérées dans les chartes et les visions affriolantes des politiques nationales de jeunesse resteront à l’état de vœux, sans cadre opérationnel et sans moyens réels de mise en application. Au-delà des politiques conceptuelles, nous devons nous donner dorénavant les moyens d’agir concrètement en mettant en place des mécanismes plus efficaces et plus ambitieux de mobilisation de ressources sur les enjeux qui dépassent le seul Ministère de la Jeunesse.
La mise en œuvre de l’Observatoire National de la Jeunesse fait partie de la mission qui vous a été assignée par le Président de la République. Peut-on savoir quel sera le rôle de cette structure de jeunesse et où vous en êtes dans sa mise en place ?
En même temps qu’ils ont besoin d’information, il se trouve que les jeunes eux-mêmes et leur situation sont mal connus des autres acteurs du développement économique et social. Peu d’études approfondies et systématiques ont été réalisées sur les jeunes et sur leurs activités dans notre pays. Aussi, le peu d’informations statistiques disponibles sur les jeunes sont collectées à différents niveaux et par plusieurs structures et institutions publiques et privées, en l’absence de toute coordination et de toute collaboration. C’est le cas de certaines institutions qui disposent de bases de données techniques portant par exemple sur la santé génésique, les IST, VIH/SIDA (UNICEF, UNFPA), la population carcérale, (Ministère de la Justice), sans compter bien sûr, les informations très complexes sur l’éducation (enseignement pré universitaire, enseignement technique et professionnel (AGUIPE), enseignement supérieur), celles plus générales données par l’Observatoire National de la République de Guinée (ONRG) ou par d’autres départements et institutions produisant des statistiques.
Au Ministère de la Jeunesse, la principale source d’information sur les jeunes est constituée par les rapports annuels des services du département. Il s’y ajoute, bien que partielles, quelques études thématiques réalisées à l’occasion de projets. On note aussi très peu d’études spécifiques, systématiques et approfondies sur les questions de formation, d’emploi et de chômage des jeunes, de santé, de participation et d’accès des jeunes à l’information. Il n’y a pas non plus d’études spécifiques ciblant des catégories de jeunes (ruraux ou urbains, non scolarisés ou déscolarisés, diplômés sans emploi …) permettant de savoir où sont-ils ?, que font-ils ? Combien sont-ils ?, quels sont leurs besoins et aspirations, leurs loisirs ?, quelles sont les mesures envisageables pour résoudre leurs problèmes à cours, moyen et long terme? etc. L’on pourrait être amené à se poser la question sur l’utilité de la Consultation Nationale des Jeunes de 2015. Je dirai qu’elle nous a permis plutôt de recueillir les préoccupations, les doléances des jeunes à travers le pays. Mais ces informations restent factuelles, subjectives et non scientifiques. Elles ne peuvent pas être prises comme des données statistiques et ne donnent pas les informations, par exemple, sur la situation sociologique et démographique.
C’est pour répondre à cette problématique majeure qu’il a été envisagé dans le cadre du projet « Booster les compétences pour l’employabilité des jeunes », financé par la Banque Mondiale, la création de cet Observatoire National de la Jeunesse. L’ONJ est donc un outil qui vise à combler le déficit d’information sur les jeunes et leurs activités par la collecte, le traitement, l’analyse et la diffusion d’informations qualitatives et quantitatives fiables les concernant. L’observatoire est chargé de rassembler et diffuser les informations disponibles dans différents secteurs relatifs à la jeunesse dans toutes ses catégories. Il est une plateforme d’observation et de veille, notamment sur l’emploi et le marché du travail qui doit s’aligner sur le principe de la cohérence et de la complémentarité. Il doit aussi consolider et rendre opérationnelle la base de données créée en 2013 au Ministère de la Jeunesse. L’observatoire met à la disposition des usagers de statistiques sur la jeunesse, des informations fiables qui orientent leurs décisions dans les initiatives qu’ils entreprennent en faveur des jeunes. Il permet enfin d’éviter les improvisations, les interventions peu appropriées et les prises de décisions peu adéquates face aux nombreux défis auxquels les jeunes sont confrontés. En somme, l’Observatoire de la Jeunesse est un instrument d’aide à la décision et à l’insertion des jeunes. A ce jour, le projet de Décret portant création, organisation et fonctionnement dudit Observatoire est prêt. Il sera très prochainement soumis au Conseil des Ministres.
Monsieur le Ministre, quel est votre mot de la fin?
Mes propos pour terminer iront à l’endroit des jeunes. Notre principal combat est de leur redonner confiance dans les politiques et dans les choses qui sont faites pour eux. Je pense que les jeunes doivent être davantage patients mais aussi renouer avec l’effort. Avec le courage, le travail, nous gouvernants, nous ferons notre part, nous jouerons notre rôle. Et aux jeunes aussi d’être plus disponibles et croire en l’avenir de leur pays. Notre pays la Guinée a d’énormes potentialités. Et aujourd’hui, grâce aux efforts du Chef de l’Etat, Professeur Alpha Condé, ce potentiel est en train de se révéler aux guinéens et au monde entier. Il va falloir davantage s’investir et croire en l’avenir de notre pays.
Je voudrais également lancer un appel vers la presse et les médias. Ils ont un travail citoyen à faire à l’endroit de notre jeunesse. Je voudrais leur demander de questionner davantage les jeunes sur leurs centres d’intérêt. Nous sommes à l’heure du tout numérique et quasiment tous les jeunes disposent d’un smartphone et sont connectés 24h/24. Que leurs centres d’intérêt sur Internet se nourrissent de la recherche de l’information utile, de la saisine des opportunités et des offres, peu soient-elles ; des structures d’accompagnement ; qu’ils s’intéressent à ce qui se fait même s’ils ont l’impression que rien ne se fait. Que la posture, la dictature du buzz, ne constituent plus un objectif, la raison d’être sur les réseaux sociaux. Ce travail citoyen, je le demande du fond du cœur aux médias. Pour ma part, je reste à leur disposition tant au bureau que sur les réseaux sociaux pour discuter, échanger, partager des informations utiles, comprendre tel ou tel projet ou telle ou telle décision du Ministère etc. Notre jeunesse a besoin de repères et de repères justes.
C Gouv